Gabi Mouesca, fondateur et directeur de la Ferme Emmaüs Baudonne
Publié le 11 mars 2024, par Katia Crabé
Temps de lecture : moins de 50 min
Présentation de Gabi Mouesca, directeur de la ferme Emmaüs Baudonne
Interview de Gabi Mouesca
Le Nouveau Monde selon Gabi Mouesca
Le portrait chinois de Gabi Mouesca
Présentation de Gabi Mouesca, directeur de la ferme Emmaüs Baudonne
Katia : Aujourd’hui (22 janvier 2024), Gabi Mouesca me fait l’honneur de me recevoir à la ferme Emmaüs Baudonne à Tarnos dans les Landes. Gabi est le fondateur et le directeur de ce projet hors normes, hors cadre si je puis dire. La ferme Emmaüs Baudonne est un lieu à part qui regroupe plusieurs projets :
- l’accueil de 12 femmes sous-main de justice, c’est-à-dire qu’elles sont sous écrou en aménagement de peine
- la ferme de production agroécologique,
- l’école primaire éco-citoyenne de l’association OSE, un établissement scolaire alternatif
- les chantiers solidaires d’Emmaüs.
Elle est un projet social solidaire et innovant, pensé comme un écolieu transitoire entre la liberté et la détention. Durant cette entrevue qui s’annonce plus que passionnante, nous allons parcourir avec Gabi l’histoire de ce projet unique en France et en savoir un peu plus sur lui. Sans plus tarder, je vous invite à vous immiscer dans notre conversation. Bonne écoute !
Interview de Gabi Mouesca
Katia : Bonjour Gabi
Gabi : Bonjour !
Katia : Je suis ravie que tu m’accueilles sur site. Comment vas-tu ?
Gabi : Comme un lundi matin, c’est-à-dire que je me lève avec beaucoup d’espérance en cette nouvelle semaine. Et comme toutes les fins de semaine, je ferai un bilan où je me dirai : « Ah, tu as commencé la semaine avec beaucoup d’espérance, mais la réalité du quotidien a parfois atténué cette joie » ou au contraire, ça s’est confirmé, il y a eu des éléments de l’espérance qui sont devenus réalité. Et donc, je vis semaine après semaine dans cet état d’esprit. Donc là, nous sommes lundi matin, tu me trouves très rempli d’espérance.
Katia : Nous commençons la semaine ensemble. Pour recontextualiser, on est le 22 janvier 2024. Est-ce que tu veux bien te présenter ?
Gabi : Je suis donc Gabi Mouesca. Je suis basque. Né au pays basque, de la rencontre d’un homme et d’une femme qui étaient basques. Et donc, je n’ai aucun mérite au fait de vous dire que je suis basque. Ma langue maternelle, c’est l’Euskara, c’est-à-dire la langue basque. Quand je suis rentré dans le système d’éducation nationale à l’âge de 6 ans, j’ai acquis le français. J’allais dire sur le dos du basque. Je me suis, comme beaucoup de gens de ma génération, débasquisé avec le temps et avec l’empreinte de notre éducation dans l’école de la République. Et puis, à l’âge de 15 ans, mes parents, et particulièrement ma mère, ont souhaité que je me réapproprie la langue. Et donc, j’ai participé pendant les vacances, les petites vacances, les grandes vacances, à des stages pour me réapproprier, me reculturer en basque. Ce qui fait qu’à l’âge de 15-16 ans, j’ai fait mes premiers pas dans le monde bascophone. Et basque de façon générale. Et puis, là-dessus, j’ai eu des engagements culturels. Quand on s’intéresse à la langue basque, on s’intéresse à tout ce que ça génère autour, sur le plan culturel. Et puis, au Pays Basque, la culture et la langue sont quelque chose d’éminemment politique. Du fait de sa situation, ces dernières décennies dans lesquelles la réappropriation de la langue a été souvent un cheminement. Très tortueux, parfois violent. Je suis devenu d’un militant culturel à un militant politique. D’abord, dans un petit mouvement qui s’appelle Eskerberry, qui veut dire la gauche basque, la nouvelle gauche. J’étais très jeune, j’avais 17 ans. Et au Pays Basque, ce temps-là, il y avait des passages assez aisés entre la politique légale et la politique illégale. Ce qui fait là aussi, j’ai franchi le pas, le rubicond entre l’égalité et l’illégalité. C’est ainsi que je suis rentré dans l’organisation politico-militaire qui, ce temps-là, s’appelait Iparretarak. Une organisation qui luttait pour la libération du peuple basque au Pays Basque Nord, au Pays Basque français. C’est l’engagement que j’ai eu, en même temps où j’étais ouvrier dans une entreprise qui s’appelait Xikitoa, une entreprise qui fabriquait les jokaris, les fameux jeux de plage, tirés du jeu traditionnel de la pelote basque. Je faisais partie des derniers salariés de cette entreprise, qui était anglaise. Et puis, on a fini notre temps de travail avec une grève qui était autour du 10 mai 1981. Les plus anciens de vos auditeurs et auditrices sauront qu’à cette période-là, c’était la fameuse période où les socialistes ont pris le pouvoir, où Mitterrand est devenu président de la République. Et donc, deux mois avant cette date historique, eh bien, avec mes compagnons de travail, nous nous sommes mis en grève. Nous avons occupé l’entreprise. Et puis, deux mois après aussi, cette élection. Ça a été ce que j’appelle les quatre mois les plus importants de ma vie. Une vie qui commence déjà à peser sur mes épaules, parce que je suis dans ma 62ème année de vie, d’existence. Pendant ces quatre mois, j’ai connu ce que certains ont peut-être connu, qui est cette fameuse solidarité, cette fraternité qui unit les gens qui luttent, qui résistent, qui se donnent au risque de perdre leur travail, et parfois plus. Je dis parfois plus, parce que je sais, par exemple, qu’un des salariés qui avait été en grève, eh bien, a divorcé par la suite, parce qu’effectivement, cette période rugueuse qu’était la grève totale a généré un conflit, ou durcit un conflit. Un conflit qu’il y avait dans le couple, et tout ça a fini par un divorce. Mais tout ça pour vous dire que cette grève, c’était aussi un temps fort, humainement, et un engagement fort. Donc, je rentre dans l’organisation Iparretarak, aussi dans cette dynamique-là, un mouvement qui se revendiquait de libération nationale et sociale.
Katia : Alors, petite parenthèse. Quand tu dis libération, pour ceux qui ne connaissent peut-être pas l’histoire du Pays-Basque, c’était libération de qui, de quoi, à ce moment-là ?
Gabi : Alors, ce temps-là, c’était une période durant laquelle, partout dans le monde, il y avait ce qu’on appelait le mouvement de libération, c’est-à-dire qu’il y avait des peuples qui se considéraient comme colonisés, ou en tout cas qui n’étaient pas maîtres de leur destin, et qui, par divers moyens, y compris par l’utilisation de la violence, eh bien, revendiquaient qu’ils aient accès à la libération, entre autres, en utilisant ce qu’on appelle dans le droit international le droit à l’autodétermination, c’est-à-dire la possibilité qu’ont les communautés humaines, des peuples, des nations, de faire usage d’un droit démocratique qui est celui de faire valoir le droit à l’autodétermination. C’est vers ça que nous allions au Pays Basque ce temps-là, et que l’on continue aussi, sous d’autres formes, aujourd’hui, en ce début du XXIème siècle. Donc, j’étais entré dans un mouvement qui se revendiquait de libération nationale, c’est-à-dire la dimension identitaire de notre combat, mais aussi libération sociale, c’est-à-dire que c’était un mouvement qui s’inscrivait dans les mouvements de gauche de ce temps-là, et qui militait pour la création d’un état ou de quelque chose dans lequel les cartes seraient rebattues, et entre autres où il y avait une forte remise en question de ce qu’on appelle le capitalisme, et donc c’était ce temps-là où on parlait de Pays Basque indépendant et socialiste. Je suis rentré dans ce mouvement de libération nationale et sociale, qui utilisait la violence armée, et vous savez que quand vous vous engagez dans ce type d’action, eh bien, au bout du compte, il n’y a pas beaucoup d’alternatives, c’est ou la mort ou la prison, et j’ai eu la chance, je pèse mes mots, j’ai eu la chance de ne connaître que la prison. C’est ainsi qu’en 1984, j’avais 23 ans, j’ai été incarcéré pour la première fois, c’était le 1er mars, dans des conditions tragiques : le militant qui m’accompagnait ce soir-là a été tué par la police, et donc j’ai été, quant à moi, simplement incarcéré. Deux ans et dix mois après cette première incarcération, je me suis évadé de la prison de Pont, c’était le 13 décembre 1986, et puis j’ai été rattrapé six mois après par les forces de police, comme quoi je n’étais pas très doué pour la liberté.
Katia : Donc tu étais en cavale ?
Gabi : Oui, six mois de cavale qui se sont terminés par ma deuxième arrestation. Et là, j’ai commencé un long chemin carcéral, j’ai été libéré le 11 juillet 2008. C’est-à-dire que j’ai fait, en tout et pour tout, 17 ans de prison. 17 ans qui se composent de 12 ans en maison d’arrêt et 5 ans en maison centrale sécuritaire. Je peux dire que j’ai tout connu de la prison, sauf évidemment un phénomène qui, malheureusement, est trop important dans les prisons françaises, qui est le suicide. J’ai échappé à cette réalité-là, et puis je n’ai pas vécu de violence physique. Là aussi, c’est un phénomène qui touche malheureusement trop de gens dans les prisons, mais du fait de mon statut, du fait de mon histoire, je n’ai jamais subi de violence physique en prison.
Katia : C’est-à-dire que tu étais respecté par les autres détenus ?
Gabi : J’étais respecté non seulement par les autres détenus, vous savez, en prison, il y a une échelle un petit peu du mérite, entre guillemets. Ce qui, ce temps-là, a été mis en haut de l’échelle, c’était ce qu’on appelait les terroristes, ou ce que nous appelons les prisonniers politiques, et entre autres basques. Il y avait aussi les délinquants du grand banditisme, les grands trafiquants internationaux de drogue ou autre. Et puis au bas de l’échelle, évidemment, il y avait ceux qui avaient commis des actes de nature sexuelle ou des crimes contre des personnes vulnérables, etc., etc. Donc, j’étais, ce temps-là, en haut de l’échelle, j’allais dire. Ce n’était pas seulement les personnes détenues qui étaient à mon égard respectueuses ou à l’égard de tous les prisonniers et toutes les prisonnières basques, mais il y avait aussi une grande partie du personnel pénitentiaire. Ça aussi, c’est important de le signaler. Ils nous considéraient comme des personnes normales dans leur échelle de valeur. Nous étions des travailleurs et des travailleuses, des gens qui, certes, étaient en prison, certes, qui avaient commis des actes illégaux, mais qui étaient des gens tout à fait normaux, qui avaient une vie faite de labeur, de relations sociales, d’engagement. Et à ce titre-là, nous avions le respect de ces gens-là. J’allais dire, pratiquement de tout le personnel, parce que, bien évidemment, on a été soumis aussi, parfois, à des attitudes un peu fraternelles de la part d’une micro-minorité de surveillants qui usaient et abusaient de leur pouvoir pour nous malmener, pour des raisons politiques, bien évidemment. C’était souvent des gens qui étaient d’extrême droite, des personnes qui abusaient de leur pouvoir pour nous faire vivre quelques misères intramuros. Voilà un petit peu pour ce qui est du passage en prison.
Katia : Est-ce que je peux te demander, comment est-ce qu’on ressort après 17 années ? Peut-être que tu l’aborderas un peu plus tard. Comment est-on quand on a vécu 17 années en prison ?
Gabi : La majeure partie des personnes détenues qui sortent de prison sortent seules. Il y a des chiffres, et des travaux universitaires qui sont menés, démontrent que 80% des personnes qui sortent quotidiennement de prison sortent, comme on dit en prison, une main devant, une main derrière. C’est-à-dire sans rien, sans moyen de vivre décemment à l’extérieur, sans être attendu par quiconque, ni famille, ni relation sociale. Ça, c’est 80% des personnes qui sortent de prison. J’ai eu le privilège, et je pèse mes mots, d’être soutenu pendant 17 ans de prison, d’être attendu au sortir de la prison. C’est-à-dire que je suis sorti avec toutes les conditions qui permettent un retour gagnant au sein de la société. Beaucoup de gens me disent, mais 17 ans de prison, c’est certes une belle tranche de vie. Et on me dit, comment fait-on pour rester debout ?
Katia : Tu anticipes mes questions.
Gabi : Je pourrais passer des heures à expliquer, parce qu’il y a des raisons sociales, il y a des raisons sociologiques, etc., qui expliquent comment on peut être brisé par la prison, ou au contraire, éviter d’être brisé. Et comme nous allons prendre des heures et des heures, peut-être que votre auditoire serait fatigué, donc j’ai une phrase. Pour rester debout en prison, le facteur principal, c’est de continuer à aimer et à être aimé. Voilà, point. Aimer, continuer à aimer et à être aimé. Et c’est la chance et le privilège que j’ai eu en prison d’avoir une famille soutenante, une famille aimante, qui ne m’a jamais jugé. Et pour la petite histoire, je le rappelle, mon père était gendarme, donc nous avons vécu mon enfance dans les casernes de la République. Donc, logiquement, on pourrait dire, tiens, le papa a dû être énervé et peut-être a fait une coupure avec son fils à cause de ses engagements politiques. Ça n’a pas été le cas. Mon papa m’a toujours regardé comme un papa. Il n’a jamais été dans le jugement de mes engagements. Donc, voilà pour moi, ce qui est fondamental. Aimer et être aimé, c’est ça, le meilleur ingrédient pour rester debout en prison.
Katia : Et que se passe-t-il pour toi quand tu sors de ces 17 années ? Tu avais une quarantaine d’années.
Gabi : Je suis sorti à l’âge de 40 ans et un poète avait dit, la vie commence à 40 ans. Je peux vous le confirmer. La vie à 40 ans est un temps important. Et en tout cas, je l’ai vécu comme tel. J’ai de suite travaillé. Alors, j’ai été d’abord soumis à une interdiction de venir au Pays Basque et dans 34 autres départements pendant 5 ans. Donc, là aussi, il y avait une peine après la peine. Et ce n’est pas la seule difficulté que j’ai eue et que je continue à subir de mes engagements passés.
Katia : Pourquoi ? Pour éviter d’être à nouveau en relation peut-être avec les anciennes organisations ?
Gabi : Voilà, c’est ça. Et puis pour éviter des relations qui, pour l’État, auraient été gênantes. Et donc, 34 départements m’ont été interdits, y compris Paris et la région parisienne. Mais la Croix-Rouge française m’a proposé un poste et a obtenu qu’on m’enlève ces interdictions sur Paris et la région parisienne. Donc, je suis monté sur Paris. Et j’ai travaillé au sein de la Croix-Rouge française où j’étais le monsieur prison de cette institution. À la tête de laquelle, il y avait Marc Gentilini, qui était un grand professeur de médecine très connu et qui a formé des légions et des légions de médecins en France, mais dans le monde entier, en particulier en Afrique. Cet homme, qui était proche de la famille Chirac, m’a reçu un matin à 7 heures du matin dans son bureau et m’a dit très clairement, il me serre la main, et il m’a dit, je ne partage absolument pas vos convictions politiques : « j’ai besoin de vous ». Le deal était très simple, entre lui et moi, nous n’avions pas les mêmes options politiques, mais nous avions une même vision de ce qu’était l’action de la Croix-Rouge en milieu carcéral. Et il considérait que j’étais la personne qui était en capacité de remuscler le volet prison de la Croix-Rouge française sur le plan national, et c’est ainsi que j’ai travaillé pendant trois ans et demi au siège de la Croix-Rouge française à Paris, que j’ai mené une action résolue sur le plan national auprès des personnes qui, à titre bénévole professionnel, travaillaient en milieu carcéral. J’ai aussi représenté la Croix-Rouge auprès d’instances nationales et internationales sur les questions touchant à la prison, et ça a duré pendant trois ans et demi. Et puis, au bout de trois ans et demi, j’ai été élu président de l’Observatoire international des prisons, l’OIP, qui est le contre-pouvoir du ministère de la Justice en matière de politique carcérale. Là aussi, ça a été un moment important. Et au bout de trois ans et demi, j’ai été embauché par Emmaüs France. J’étais à Montreuil, au siège d’Emmaüs France, et j’ai mené une expérimentation sociale à la demande d’un appel à projets du gouvernement. Il y avait un certain Martin Hirsch qui était au gouvernement, l’ancien président d’Emmaüs France. C’est lui qui m’a demandé de faire une expérimentation sociale sur trois départements, dont l’objectif était de créer un machin qui permette aux prisonniers les plus pauvres de bénéficier des aménagements de peine. Je vous l’ai dit précédemment, 80% des sortants de prison sortent sans rien, c’est-à-dire c’est le boulevard ouvert vers la récidive.
Katia : Sans accompagnement, parfois sans entourage familial, social.
Gabi : Sans argent, sans capacité de pouvoir défendre leur liberté nouvellement acquise. Et donc, on me demande de créer quelque chose qui permette à ces prisonniers-là de préparer leur sortie de prison. J’ai fait ça pendant deux ans sur trois départements. J’ai fait un très beau rapport, très épais, salué par tout le monde. Un rapport qui, évidemment, restait lettre morte.
Katia : Dans les tiroirs.
Gabi : Voilà, dans les tiroirs où a bloqué une armoire au ministère de la Justice. Mais ça, j’allais dire malheureusement, c’est que trop courant. Donc, j’ai fait ces deux années. Et puis, au Pays Basque, a été lancé un nouveau processus de paix, auquel on m’a associé dès le départ. Et donc, je suis revenu au Pays Basque.
Katia : Pour situer, on est dans les années 2000…
Il y a 14 ans de ça.
Katia : Oui, 2010.
Gabi : Et donc, là, je me suis jeté sans réserve dans cette logique de processus de paix. Entre autres, en créant l’association qui s’appelle ARERA, qui était une association qui, dans le cas du processus de paix, organisait l’accueil des sortants de prison et le retour des exilés. Beaucoup. Des dizaines de Basques. Et puis, parfois, depuis 30 ans, 40 ans, en Afrique, en Amérique du Sud, en Amérique centrale. Donc, il a fallu organiser leur retour. Et j’ai créé cet outil qui s’appelle ARERA, qui existe toujours, qui a permis à ces gens-là de revenir au Pays Basque dans le cadre du processus de paix.
Katia : Alors, le processus de paix, petite parenthèse, ça veut dire pas de lutte armée.
Gabi : C’est un processus de paix qui est unique dans l’histoire de l’humanité. Parce que ce ne sont pas des sachants, ce ne sont pas des politiques, ce ne sont pas des spécialistes qui sont à l’origine de ce cercle vertueux. C’est la société civile. La société civile qui, d’un côté, a demandé à l’ETA de cesser la lutte armée, de rendre les armes, demandé à l’autorité publique de faire un bout de chemin, de demander aux victimes aussi de rentrer dans ce cercle vertueux. C’est ce qui s’est passé au Pays Basque. C’est une première dans l’histoire de l’humanité. On a régulièrement encore des contacts de gens qui viennent du monde entier en disant mais comment vous avez fait ?
Katia : Parce que là, le processus de paix, il tient.
Gabi : Le processus de paix, effectivement, depuis 14 ans, il n’y a pas le moindre acte de violence enregistré. Les armes ont été rendues, l’ETA s’est dissous. Il y a encore malheureusement près de 200 prisonniers qui croupissent au fond des cellules, majoritairement en Espagne et un petit peu encore en France. Mais nous avançons sur la consolidation de ce processus de paix. Et nous espérons arriver à terme à ce que cette page difficile, rugueuse, violente de l’histoire des relations entre le Pays Basque et la France et l’Espagne soit tournée et qu’on écrive toute une nouvelle page qui soit faite de paix, de fraternité et de construction au quotidien de ce qui est et, parce que nous y sommes déjà, et sera le Pays Basque de demain. Donc voilà pour ce qui est de mes engagements, et puis on en vient à la ferme Emmaüs Baudonne.
Katia : Comment est-ce que tu en es venu à créer ce projet ? Dans ce que tu racontes, on comprend qu’il y a eu des prémices, c’est-à-dire ce dossier qui est resté vain dans le tiroir, finalement, dans l’expérimentation qu’on t’avait demandé de mener sur les trois départements. Peut-être que ça prend ses origines dans ses actions ?
Gabi : C’est venu par ailleurs. J’ai des raisons personnelles et puis des raisons plus politiques. Dans le cas du processus de paix, j’ai eu des rencontres, avec d’autres représentants du mouvement nationaliste basque, au Ministère de la Justice, où s’est vissé, entre guillemets, ce temps-là, madame Christiane Taubira, garde des Sceaux, et à la fin d’une des réunions, on parlait de la prison. Elle m’a dit : « j’ai deux soucis majeurs actuellement, sur le front carcéral. Je n’ai pas, sur Paris et la région marseillaise, de lieu pour accueillir des mineurs qui sortent de prison. Bien. Et puis, deuxième chose, je n’ai rien pour les femmes qui sortent de prison, au niveau national ». Et je suis sorti avec ces informations, et quelques mois plus tard, j’étais à la communauté Emmaüs de Tarnos, qui se trouve juste devant nous, à l’instant où je vous parle, qui est un lieu concomitant à la ferme Emmaüs Baudonne, et là, le responsable me dit, il y a les Missions Africaines, dont nos voisins, qui vendent leurs propriétés. Et là, de suite, j’ai une relation qui se fait, entre l’information que m’avait donnée Mme Taubira, et ce que je venais d’entendre, et je me suis dit, banco, il faut qu’on y aille, il faut qu’on récupère ce bien, et ce bien, on l’a récupéré, on l’a acheté, au nom du mouvement Emmaüs, et ce qui fait qu’aujourd’hui, nous sommes donc propriétaires de ces murs qui ont appartenu pendant un siècle aux Missions Africaines, qui est un ordre religieux de missionnaires, et un lieu qui est cher aussi à mon cœur, parce qu’il y a de cela, il y a quelques décennies, mon oncle, dont j’ai le prénom et le nom, Yann Mouesca, était ici séminariste, à l’âge de 14 ans, il était parti de son village de Baïgorry, pour être séminariste, comme d’autres futurs séminaristes basques, landais, béarnais. Donc, ce lieu, je le connaissais de ce côté-là, par le fait qu’il a été séminariste, puis professeur, ici, au séminaire des Missions Africaines, et puis par la suite, comme j’étais scout, aussi, comme j’étais au catéchisme, on avait beaucoup de temps partagé, ici, à Baudonne, comme beaucoup d’enfants des Landes, du Pays Basque, du Béarn, qui ont fait des camps, des formations, etc., à caractère religieux. Donc ça, je vous disais, c’était lié à ma vie familiale, je vous ai aussi parlé de l’information transmise par Madame Taubira, et puis aussi, pourquoi les femmes, pourquoi un projet lié aux femmes. Parce que je suis un jeune papa, même si j’ai 62 ans, mais j’ai des enfants de 7 et 9 ans, Eléa et Louma, et la naissance de Louma, de notre aîné, a été un temps que l’on attendait comme heureux, comme une naissance tous les parents, bien évidemment, mais ça a été un temps violent. Maïlys, ma compagne, a vécu ce qu’on appelle des violences obstétricales, et ça a été quelque chose qui m’a marqué dans mon univers, dans l’humanité. Et je me suis ouvert, ce jour-là, réellement, à la question du féminisme, de la réalité vécue par les femmes dans notre société. Je suis militant depuis l’âge de 15 ans, ce qu’on appelait militant révolutionnaire, et j’ai lu, évidemment, ça fait partie de mes formations politiques, j’ai beaucoup lu, mais je connais des réalités de façon livresque, et la question du féminisme, qui est portée par le mouvement nationaliste basque depuis des décennies, qui a fait du Pays Basque un lieu de référence très longtemps sur la question féministe, entre autres. Je connais ces questions de façon livresque, de façon intellectuelle. Mais là, au travers de la violence subie par Maïlys, où j’étais en première ligne avec elle, ça m’a fait plonger dans une réalité. C’est aussi ça qui a contribué à ce que je sois sensibilisé, et plus que sensibilisé, aux questions de violence subies par les femmes. Et le fait que j’ai décidé dès le départ que la Ferme Emmaüs Baudonne accueille des femmes détenues, c’est aussi une réponse à ce qui a été une violence subie par moi, par Maïlys d’abord, mais par moi après, au travers de la naissance de notre fille Louma.
Katia : Depuis combien de temps est-ce que ce lieu existe ?
Gabi : Nous sommes dans la quatrième année d’accueil des résidentes. J’ai travaillé avant un an et demi à la conception, à concevoir le projet, à obtenir les éléments constitutifs sur le plan légal, à m’habiter des lieux. Ça aussi, ça a été quelque chose… J’ai passé beaucoup de temps à marcher des heures et des heures dans les couloirs, dans les pièces, sur les trois hectares de terres agricoles, les sept hectares de forêts que nous avons derrière, pour dire comment je vais faire pour que ce lieu soit, le plus profitable aux personnes que nous allons accueillir ici. Comment faire de ce projet quelque chose qui ait du sens, quelque chose qui soit rempli d’humanité d’abord, mais aussi de volonté de contribuer à apporter quelque chose de positif au fonctionnement de notre société. Donc, ça fait à peu près 5 ans, 6 ans que je suis autour de ce projet. Et je tiens à toujours utiliser la notion de projet. Parce que j’ai vu beaucoup d’anciens projets qui sont devenus des réalités, dans lesquels les équipes qui font vivre ces réalités-là tournent le dos à la notion de projet. C’est-à-dire que ces personnes-là s’inscrivent dans des certitudes au niveau des pratiques professionnelles, des certitudes sur les personnes qui sont accueillies, etc. J’allais dire, le jour où on perdra cette notion de projet, ça sera le début de la fin pour cet établissement. Le début de la fin pour nous en tant que professionnels. Et donc, je ne cesse jamais de rappeler aux membres de mon équipe, aux bénévoles que nous accueillons de dire, il nous faut nous remettre en question quotidiennement dans notre pratique, dans le regard que l’on porte sur ce que l’on fait, sur les personnes que l’on accompagne, que l’on accueille. Je tiens à ce que nous soyons toujours dans cette logique de projet.
Katia : Concrètement, au quotidien, comment ça se passe ? Parce que tu parles de bénévoles, d’équipe, comment ça s’articule ?
Gabi : Quand l’administration pénitentiaire parle de notre structure, je sais, et souvent ils me l’ont souligné, qu’ils abordent pratiquement de suite une réalité qu’ils trouvent formidable, c’est-à-dire le fait qu’il n’y a pas simplement une équipe de professionnels, nous sommes six professionnels pour accompagner douze résidentes, mais aussi qu’il y a une dizaine de volontaires, de bénévoles, de gens qui consacrent de leur temps à la vie de notre structure. Et ils trouvent ça formidable. Et je trouve ça effectivement formidable. Et dans les formations que l’on fait régulièrement auprès des bénévoles, je ne manque jamais de souligner toujours une seule et même chose. C’est que les bénévoles, quand ils viennent, ou j’allais dire quand elles viennent ici, parce que ce sont majoritairement des dames, elles disent : « oui, mais je donne un petit peu de mon temps, je donne un petit peu de ce que je sais faire, de ce que je suis ». Je leur dis : « ça, c’est très bien ». Mais vous n’imaginez pas une dimension qui est bien plus importante que ça, que vous apportez ici en étant bénévole. Les femmes que j’accueille ici sont majoritairement, et de façon tout à fait légitime, en divorce avec la société. Pour deux raisons majoritairement. Première raison, parce qu’elles ont été jugées, devant des tribunaux qui bien souvent ont été très durs, qui ont appliqué des condamnations très lourdes. Elles vivent ça comme une forme d’injustice. Parce que souvent, pour ne pas dire toujours, n’a pas été prise en compte un passé, un passé extrêmement lourd, un passé marqué du saut de la violence, sous diverses formes, et que ça n’excuse pas les faits qu’elles ont posés. Mais ça explique grandement, pour qui veut le voir, qui veut l’entendre, ce qui a été en fin de compte un acte illégal, qui soit de nature criminelle ou autre. Et donc, premier rapport et premier divorce avec la société, parce qu’il faut rappeler quand même que la justice au quotidien est rendue en notre nom, au nom des citoyens et citoyennes françaises, et donc premier regard porté sur la société, vous nous avez condamnés, vous nous avez laissés condamner de façon extrêmement lourde, voire injuste. Deuxième élément, ces femmes-là ont connu la prison. Et aujourd’hui, je ne vais pas m’étendre, parce que je pense que c’est de notoriété publique, que les conditions de détention en France sont souvent, bien trop souvent qualifiées, attentatoires à la dignité de la personne humaine. Et ces femmes-là nous le reprochent, à nous, la société. Et pourquoi ? Parce que les prisons fonctionnent ou dysfonctionnent, grâce à nous, ou à cause de nous. Parce que c’est avec nos deniers, c’est avec nos impôts que cette administration fonctionne. Donc, deuxième rapport qui nous lie, nous, citoyens et citoyennes, avec la réalité justice-prison, eh bien c’est ça, c’est le fait carcéral, l’indignité qui est organisée, et l’application des peines qui sont jugées trop longues et parfois trop injustes. Donc il y a un divorce entre ces femmes et la société. Et pour revenir à nos bénévoles, ces bénévoles, elles représentent chacune d’entre elles une main tendue de la société à l’adresse de ces femmes détenues que j’ai ici. Et par leur présence, par leur action, par leur sourire parfois, tout simplement par l’échange, le respect, le non-jugement, eh bien peu à peu se renforce, se refait le lien d’humanité entre ces femmes détenues et la société extérieure. Et ça, c’est l’apport majeur des bénévoles dans notre structure.
Katia : C’est un point fort de votre projet.
Gabi : Oui, et j’aime à le souligner parce que je le dis et le redis, les bénévoles, bien souvent, n’ont pas conscience de ça. Et j’aime à leur souligner parce que c’est un engagement immense. Parce que, attention, ici, on ne fait pas de l’insertion ou de la réinsertion comme le font beaucoup de structures en France, qui font de l’insertion et de la réinsertion de personnes en difficulté et plus. Ici, on insère ou on réinsère, je préfère parler de démarche d’autonomisation des personnes, mais on fait autre chose ici. On lutte contre la récidive. On lutte contre la récidive. On essaye de faire en sorte que les femmes qui nous sont confiées ne soient plus dans un état d’esprit ou dans une situation qui les amène à refaire des actes délinquants ou criminels demain ou après-demain. Et ça, c’est quelque chose d’extrêmement important. Et les bénévoles, nos bénévoles, concourent à cette réalité-là. Et donc, ça, ça n’a pas de prix. C’est pour ça que je suis extrêmement attaché à nos bénévoles, extrêmement reconnaissant de l’apport social de ces personnes à notre structure.
Katia : Tu me disais tout à l’heure, en aparté, que c’est un lieu très ouvert. Il y a 4 hectares. Tu me disais, si elles quittent le site…
Gabi : C’est l’évasion.
Katia : C’est l’évasion. C’est bien de recontextualiser. Elles ne vivent pas librement totalement sur le site.
Gabi : Oui, elles ont un aménagement de peine. Ces femmes-là bénéficient de ce qu’on appelle un aménagement de peine. En clair, ça veut dire que plutôt que de rester quelques mois jusqu’à même deux ans, au fond d’une cellule de 9 mètres carrés, à ne rien faire, à regarder la télé, à fumer du shit, à prendre un médicament neuroleptique et autres, eh bien, elles sont ici, parmi nous, respectées, avec des obligations qui sont effectivement le travail. Elles ont des contrats de 26 heures, elles sont payées, elles bénéficient, j’allais dire, des droits qu’ont tous les salariés en France, mais il y a des obligations. Elles ont, par exemple, des obligations de soins en particulier, des obligations aussi de respecter les horaires, de respecter, eh bien, entre guillemets, les frontières de notre établissement. Et je le dis effectivement, pour que les choses soient claires, si l’une d’entre elles sortait du périmètre de la ferme sans mon autorisation, c’est effectivement administrativement une évasion. Depuis un peu plus de trois ans que nous existons, j’ai dû déclencher à deux reprises la procédure d’évasion. Les dames en question ont été rattrapées, réincarcérées, rejugées avec une condamnation supplémentaire pour fait d’évasion. Ça fait partie de ma responsabilité.
Katia : Sur combien de femmes accueillies depuis trois ans ?
Gabi : Depuis trois ans, on en est à 38 personnes accueillies. Donc, il y a eu deux retours pour évasion et cinq renvois aussi en prison pour des actes de violence. Ici, la ligne rouge à ne pas dépasser est celle de la violence physique. C’est ce qui m’a amené à renvoyer des personnes derrière les barreaux. Alors, je sais qu’au vu de mon passé, beaucoup se posent la question, mais comment cet homme peut-il aujourd’hui renvoyer en prison des gens, y compris des gens qui ont commis des évasions, puisque c’est le terme, alors que lui-même s’est évadé dans sa vie ? Alors, la réponse est très claire. Déjà, dès qu’une résidente arrive ici, je le dis dans les cinq premières minutes que ma main ne tremblera pas pour prendre le téléphone s’il advenait que la personne veuille quitter les lieux sans mon autorisation. Ma main ne tremblera pas et n’a jamais tremblé quand c’était nécessaire.
Katia : Tu poses le cadre d’emblée.
Gabi : C’est le cadre.
Katia : Il faut un cadre.
Gabi : Mais le cadre, pourquoi ? Pour deux raisons. Déjà, parce qu’il a été extrêmement compliqué, extrêmement difficile de créer celui-là. C’est le lieu de vie qu’est la ferme Emmaüs Baudonne.
Katia : Il y a eu quelques frictions.
Gabi : On appellera ça des frictions sur le plan local. Et puis, il y a aussi beaucoup de femmes détenues qui aimeraient être ici et qui ne peuvent pas pour X raisons. Parce que les magistrats disent que la demande est trop anticipée ou parce qu’il y a eu dans le passé des faits intra-muros contraires aux règlements intérieurs, d’où sanctions et non-bénéfices d’aménagement de peine, par exemple. Bref, il y a des femmes qui aimeraient et qui auraient mérité d’être ici et qui ne le peuvent pas. Et donc, je demande, pour ne pas dire que j’exige, des femmes qui sont ici, qui ont la chance d’être ici, de respecter le cadre, respecter la confiance que nous leur donnons.
Katia : Parce que c’est un dispositif expérimental, dans le fond, unique en France.
Gabi : Voilà mon rapport avec l’évasion, mon rapport avec le cadre. Je l’assume totalement. Et effectivement, je le dis très clairement, les deux fois où j’ai dû déclencher les recherches avec la gendarmerie, je n’étais pas heureux, loin s’en faut. C’était un moment très difficile à vivre humainement pour moi. Idem lorsque j’ai renvoyé cinq résidentes en prison. À chaque fois, c’est dans mon esprit une violence que je m’impose d’abord à moi avant de l’imposer à autrui. Mais ça fait partie des obligations qu’il me faut respecter parce que tient à ça, j’allais dire, le crédit de l’infrastructure.
Katia : Et oui, pour que votre projet puisse continuer à vivre et à se développer.
Gabi : Et par exemple, pour vous montrer l’état de confiance dans laquelle nous sommes avec l’autorité publique, je pense en particulier à la Juge d’application des peines de Dax, mais aussi au service pénitentiaire d’insertion et d’approbation de Dax avec qui nous travaillons au quotidien. C’est qu’il y a de cela maintenant 7-8 mois, j’ai proposé à l’autorité que les résidentes puissent sortir tous les samedis de 9h à 19h seules, non accompagnées. C’est-à-dire que dans la mesure où l’objectif final du passage dans notre demeure est qu’on permette à ces femmes-là d’être autonomes et de pouvoir vivre normalement dans la société, il y a un moment ou l’autre, l’expérience de l’autonomie, l’expérience de la confiance sur le terrain doit se démontrer. Et donc, j’ai demandé à l’autorité que ces femmes-là puissent sortir, à la condition évidemment, en fin de journée, de signer un registre qui est renvoyé à l’autorité publique, etc. Et ça a été accepté. Et depuis maintenant 8-9 mois que c’est en fonctionnement, on a eu deux micro-incidents avec des personnes qui avaient, un petit peu bu, mais qui n’a pas été de nature à provoquer une quelconque gêne dehors ou dedans. Malgré ces deux incidents, on a eu au bout de 4 mois une réunion bilan avec l’autorité publique pour dire voilà, est-ce qu’on l’arrête, on continue. Et au bout de 4 mois, tout le monde était d’accord sur le fait que c’était une expérience rondement menée, une expérience réussie, et ça a été validé. Et ça a été tellement bien validé que j’ai continué à surfer sur la vague, et en disant à l’autorité publique : « écoutez, le samedi c’est bien, nos résidentes peuvent faire leurs achats pour la semaine, elles peuvent aller dans le magasin, elles peuvent aller voir un film, etc. Mais pour certaines démarches administratives, le samedi ce n’est pas possible parce que, évidemment, les bureaux sont fermés. Est-ce que vous accepteriez qu’on continue cette expérience le mardi après-midi ? » Et alors il y a eu un petit moment de réflexion, quelques jours de réflexion, de l’autorité judiciaire en particulier, de la justice d’application des peines, du procureur de la République, et en fin de compte, in fine, ils nous ont accordé aussi, le mardi après-midi, des sorties non accompagnées pour les résidentes. Et tout se passe très bien, et tout ceci se fait sur la base de la confiance, du courage des magistrats et des services pénitentiaires en insertion. Il faut le souligner aussi, parce que c’est une prise de risque pour ces fonctionnaires. Mais au vu de cette expérience, au vu de ce que nous travaillons au quotidien, eh bien, l’idée a été validée du mardi après-midi et du samedi, et ça se passe jusqu’à présent très bien.
Katia : Et qu’en disent les résidentes ?
Gabi : Les résidentes, je pense qu’elles préféraient aujourd’hui qu’on leur arrache à chacune d’entre elles un bras, plutôt que de renoncer à ces sorties du mardi après-midi au samedi, parce qu’effectivement, c’est un bol d’oxygène. Alors ici, ce n’est pas la prison, ce n’est pas non plus la liberté. Mais lorsqu’elles sont en capacité d’aller à Bayonne ou dans des villes environnantes une journée ou un après-midi, c’est effectivement un plus considérable. Et je me réjouis aujourd’hui que nous soyons en capacité de maintenir ce degré de confiance, parce que tout ici est basé sur la confiance. C’est ce que je mets sur la table dès lors que j’ai la première rencontre avec chacune des résidentes. La confiance. Après, évidemment, il y a le cadre, le règlement intérieur, les ordonnances des juges d’application des peines. Ça, c’est le cadre. Mais d’abord et avant tout, la confiance. Et la confiance, c’est une valeur suprême du mouvement Emmaüs pour lequel nous travaillons. Nous sommes une institution Emmaussienne. Et d’ailleurs, ces jours-ci, c’est pour nous un temps extrêmement important, parce que nous allons vivre les 70 ans de l’appel de l’abbé Pierre. Et donc, nous sommes aujourd’hui portés par cet anniversaire-là, un anniversaire qui nous permet de dire les yeux dans les yeux aux Français et aux Françaises et au-delà que l’abbé Pierre n’est pas mort, qu’il vit au travers d’un mouvement qui, chaque jour, accueille toujours plus de personnes en difficulté, que nous créons des outils novateurs en solidarité avec les plus précaires. Et l’exemple de lq ferme Emmaüs Baudonne, évidemment, est un exemple extrêmement clair de cet Emmaüs qui se renouvelle avec le temps, qui renouvelle la solidarité, les fonds de solidarité. Et donc, ces 70 ans vont être l’occasion, effectivement, pour nous de dire haut et fort que l’abbé Pierre est toujours vivant, que le combat que nous menons avec les pauvres contre la pauvreté, nous continuons à le mener avec, voilà, cette volonté aussi farouche, peut-être pas avec la prestance de l’abbé, parce que l’abbé était un homme qui, par sa voix, était capable de soulever, à défaut de soulever les montagnes, de réveiller les consciences. Il est irremplaçable, mais, mais, il y a des mille et des cent, en France et ailleurs, qui sont les héritiers de l’abbé Pierre, de l’abbé Pierre, je dis, mais aussi de Lucie Coutaz, de Georges Leguay, ceux qui ont été à l’amorce de ce magnifique, magnifique mouvement qu’est Emmaüs.
Katia : Et puis tu me disais, tu as eu la chance de le rencontrer.
Gabi : Oui, j’ai eu la chance et le privilège de rencontrer l’abbé Pierre à trois reprises. C’est lorsque j’étais président de l’Observatoire international des prisons. On avait mené des actions communes. Emmaüs a été très soutenant dans des années très difficiles au niveau financier pour l’Observatoire international des prisons. Là aussi, c’est quelque chose que je ne manque jamais de souligner. L’importance que Emmaüs a sur l’existence, la continuité de l’action de l’OIP au niveau national français. Puis un jour, on avait fait à la mairie de Paris un colloque sur le lien pauvreté et prison. Et l’abbé Pierre était là. C’était dans ses dernières années de vie. Il était sur une chaise roulante. Il était fatigué. On a une photo de l’abbé et de moi qui étions réunis. Au milieu d’une grande salle sous les ordres de la République à la mairie de Paris. Et l’abbé était très sourd. Il entendait très mal. Et pour lui parler, ce temps-là, il fallait coller contre son oreille la bouche et lui dire les choses. Et le photographe m’a pris avec la bouche ouverte, collée pratiquement contre son oreille. Et ça donnait l’impression de quelqu’un qui hurle à l’abbé Pierre. Et c’est une photo assez étonnante. Bref, j’ai eu la chance de le rencontrer, comme j’ai rencontré aussi sœur Emmanuelle, qui sont des exemples pour beaucoup de gens. Malheureusement, la jeunesse actuelle n’a pas en mémoire évidemment ces personnages, mais qui ne sont pas si lointains que ça. Leur œuvre continue. Mais l’exemple qui est toujours à souligner de ces gens-là est de dire que l’abbé Pierre, sœur Emmanuelle, ou d’autres grands qui ont marqué l’histoire de l’humanité, ils sont comme vous et moi. Nous sommes nés avec deux jambes, deux bras, une tête. Et que chacun d’entre nous peut être en capacité de devenir demain ou une sœur Emmanuelle ou un l’Abbé Pierre. Nous sommes tous en capacité de provoquer le bien sans limite. Cet homme, cette femme, nous l’ont démontré, et d’autres aussi évidemment dans l’histoire de l’humanité. Mais c’est un rappel à nous aujourd’hui, simples mortels, que nous pouvons toutes et tous devenir des grands. Des grands dans le sens du bien, du sens de la fraternité, dans le sens de la sororité. Il faut le rappeler sans cesse, parce qu’on se pose souvent des limites. L’école pose des limites. L’éducation pose des limites. Il faut savoir s’en libérer quand nécessaire. Et quand c’est pour le combat pour la justice, quand c’est le combat pour la liberté, il faut nous libérer de nos chaînes de l’éducation. Nous libérer de nos chaînes pour être véritablement des personnes humaines en capacité de faire de grandes et belles choses au service de la justice et de la liberté.
Katia : Tu en es un bel exemple, Gabi. Tu t’inscris complètement dans cette lignée-là avec ton projet.
Gabi : Oui, alors déjà je ne me comparerai pas à ces personnages historiques. Je rappelle aussi que tous ces personnages historiques n’ont jamais été seuls. Ils ont été entourés des gens qui n’ont pas marqué l’histoire de l’humanité, mais qui étaient là pour construire, pour faire. L’Abbé Pierre n’a jamais été seul. Il était souvent entouré. Sœur Emmanuelle aussi. Au jour d’aujourd’hui, je suis aussi à la ferme Emmaüs Baudonne entouré de bonne volonté, entouré de gens désireux, ardemment désireux de voir ce projet avancer, croître, être utile à la société. En fin de compte, tant mieux pour les douze résidentes qu’elles aient leur place ici, qu’elles aient la possibilité d’échapper à la prison pendant quelques mois, voire deux ans. Mais ce lieu est aussi un lieu qui démontre à la société, à nos concitoyens et concitoyennes, qu’on peut sanctionner autrement. Que le temps de la prison doit être un temps résolu, un temps qui…
Katia : Et révolu.
Gabi : Et révolu, oui. Révolu, voulais-je dire. Et que, évidemment, dire « je ne veux pas de prison », c’est une chose. C’est déjà bien de le dire, de l’énoncer. Mais il faut répondre à la question « oui, mais à la place de la prison, quelle alternative ? ».
Gabi : Nous démontrons au quotidien que l’on peut sanctionner, les délits et les crimes autrement que par ce que j’appelle la peine barbare de l’incarcération, une peine qui est indigne de notre niveau de civilisation. Donc, c’est là aussi l’objectif, c’est que notre modeste expérience amène nos concitoyens et concitoyennes à imaginer un demain sans prison. Et aussi, bien évidemment, ce changement, il viendra par la prise de conscience du plus grand nombre, mais aussi par la prise de conscience du politique. Des gens qui font la loi, des gens qui ont une responsabilité dans ce qu’est la politique pénale et carcérale dans notre pays. C’est pour ça que la porte est souvent ouverte à des politiques ici, où on leur permet d’avoir contact avec le réel de notre alternative.
Katia : J’ai lu sur votre site internet que Christine Taubira est marraine de votre projet.
Gabi : Alors, on a vécu un temps important. Il y a deux ans, notre marraine était venue passer toute une journée ici. Et à la fin de la journée, elle devait reprendre le train pour la mener à Paris. D’autant plus que le lendemain, elle devait annoncer son lancement dans la campagne présidentielle. Donc, c’était important. On arrive, je la raccompagne à la gare de Bayonne. Le TGV ne marche pas. Il est bloqué à Urrugne. Et donc, vous imaginez comme elle était mal par rapport à ça. Bon, je lui dis, écoutez, on revient à Baudonne. J’ai des chambres libres. Vous dormirez là. Et demain matin, à la première heure, je vous ramène à la gare de Bayonne. Elle a accepté. Pas avec le sourire, je peux vous assurer. Et puis, elle est arrivée à la ferme. Et on l’a amenée dans une chambre qui était dispo. Et sachez, pour la petite histoire, que Mme Taubira s’est tenue là, a dormi avec un pyjama qu’une résidente, donc une détenue, lui a prêté.
Katia : Extraordinaire.
Gabi : Oui, c’est assez extraordinaire. Ce n’est pas étonnant de Mme Taubira, pour qui la connaît, qui est capable, j’allais dire, d’actes d’humanité, qui est capable du contre-pied permanent. Mme Taubira, dans d’autres conditions, je pense qu’elle aurait été avec l’abbé Pierre au début d’Emmaüs, parce qu’elle a vraiment la fibre humaniste. Donc, elle est notre marraine. Et notre parrain est un certain monsieur Jean-Marie Delarue, qui était le premier contrôleur général des lieux de privation de liberté. Un homme de grande valeur, un grand serviteur de l’État, qui a accepté sans hésiter d’être parrain de notre structure.
Katia : J’ai plein de questions encore à te poser, Gabi. Toutes ces femmes que tu accueilles sur ce site, comment est-ce qu’elles sont choisies ? Qui décide ? Comment ? Parce que tu dis entre celles qui aimeraient bien pouvoir être accueillies ici, j’imagine que ce n’est pas toi, Gabi Mouesca, qui choisit dans les dossiers, qui tu vas accueillir sur site. Comment ça se passe ?
Gabi : Je concours au choix, évidemment. J’ai le choix à tout moment du processus de recrutement de dire non à une personne. Le process, c’est un acte volontaire des prisonnières de nous écrire en disant « je souhaiterais intégrer votre structure ». Deuxième phase, une fois reçu ce courrier, on organise avec la prison dans laquelle se trouve cette dame, une rencontre soit en visio, soit si c’est une prison qui n’est pas trop loin, Bordeaux ou Pau par exemple, une rencontre où une ou deux personnes de notre équipe vont la rencontrer et nous disent « ça fonctionne comme ça, la ferme, toi pourquoi veux-tu venir ? ». Et donc il y a un échange qui nous permet de jauger un petit peu la volonté, la motivation, etc. Et puis ici, au retour chez nous, on considère que la personne est en capacité d’être accueillie, et bien on valide sa candidature. Et à ce moment-là, troisième phase, la futée résidente s’adresse au juge d’application des peines de la prison dans laquelle elle se trouve et elle demande à bénéficier d’une permission de cinq jours. Cinq jours qui lui permettent de venir ici, d’être parmi nous, de travailler, ce qui est le travail de la tête.
Katia : Ce qu’on n’a pas évoqué, mais elle travaille à la ferme.
Gabi : En maraîchage. Elle fait du maraîchage biologique. Et pendant deux matinées, elle voit ce que c’est qu’on travaille. Elle voit que la terre est basse, si vous voyez ce que je veux dire. Et puis nous, on voit sa relation avec les autres résidentes, avec les membres de l’équipe, avec les bénévoles. Donc ça nous permet de voir qui est qui. Et puis au bout de cinq jours, elle retourne en prison. Et à ce moment-là, je dis si oui ou non, cette personne pourrait être intégrée. Et puis à elle, si elle veut toujours venir ici, parce que ça peut arriver aussi qu’elle dise non, je pensais à un truc, mais ce n’est pas ça que j’ai vu. Et donc elle aussi a une capacité de refuser de venir. Et si elle accepte, si elle veut continuer le chemin, elle demande au juge d’application des peines à bénéficier de ce qu’on appelle le placement extérieur. Et in fine, avec mon accord, c’est le juge qui décide en son âme et conscience s’il accorde un placement extérieur. Et à partir de quand ? Pour la femme en question. Et quand l’ordonnance est rendue, ces personnes viennent ici, on les accueille et débutent une aventure entre elles et notre équipe et notre structure.
Katia : Avez-vous beaucoup de demandes ? Parce qu’on imagine que sur 12 places, avec, tu disais, des contrats de jusqu’à deux ans, les places sont limitées et chères.
Gabi : Alors le fonctionnement est très particulier, parce qu’en fait, une candidature repose sur trois, j’allais dire, corps de métier, qui ont trois calendriers et rythmes différents d’actions. Donc il y a la personne première en question qui est la résidente. Après, il y a la ferme. Nous avons notre calendrier, nous avons nos obligations, notre façon de mener les procédures. Après, il y a le service pénitentiaire d’insertion et d’approbation. Donc les personnels de l’administration pénitentiaire qui font dans le social, entre guillemets, intra-muros. Eux aussi, ils ont leurs programmes, ils ont leur timing. Et puis il y a le magistrat qui lie aussi à ses contraintes au niveau du temps, au niveau des procédures, etc. Donc pour coordonner tout ça, ça prend parfois beaucoup de temps. Et en moyenne, c’est à peu près huit mois, huit à dix mois, un process entre le temps où la personne nous envoie le courrier et l’effectivité de son accueil ici. Donc c’est des process qui sont longs.
Katia : Donc elles sont aussi responsabilisées par rapport à ça. C’est-à-dire que c’est elles qui font la demande. C’est à partir d’elles que démarre le processus. C’est-à-dire qu’elles ont connaissance de l’existence de la ferme. Il y a une information qui est faite aussi dans les prisons. Comment elles ont notion que vous existez ? Parce que ce n’est pas une sensibilisation qui est faite dans les prisons, de dire voilà ce dispositif qui existe.
Gabi : Toutes les prisons qui accueillent des femmes sont censées connaître notre existence. Mais toutes les résidentes ne sont pas en capacité de faire une demande. Et même si pour nous le critère premier, c’est les gens qui sont les plus socialisés, sans famille, à qui nos portes s’ouvrent, ce sont justement ces gens-là qui ont le plus de difficultés à venir vers nous. Donc il y a une alchimie qui est un combat permanent pour nous. Une alchimie entre informés et d’ailleurs, par exemple, quand on voit qu’il y a beaucoup de presse qui vient ici, on se demande pourquoi il y a autant de presse que vous accueillez parfois. C’est vrai que ce n’est pas toujours agréable. Il y a une forme d’intrusion de la presse.
Katia : Oui, on est sur leur lieu de vie. On est sur ton lieu de travail et sur leur lieu de vie. Tout ça, ça vient se télescoper.
Gabi : Mais je dis entre autres que l’intérêt de communiquer, c’est justement de permettre à ce que des femmes détenues puissent avoir accès à l’information. Parce qu’il y a des perditions de l’information. Il y a des établissements où on rappelle une fois par an notre existence, au lieu de rappeler tous les mois et maintenir l’information vive pour que cela motive les candidats potentiels. Donc quand je n’arrive pas à rentrer par la porte, je rentre par la fenêtre moi. Et rentrer par la fenêtre, c’est rentrer par la presse, la radio, la télé, les émissions de télé, les articles dans la presse. C’est comme ça qu’on parvient à arriver aux oreilles ou aux yeux des potentiels futurs présidents.
Gabi : Katia : D’utiliser tous les canaux de communication qui sont à sa portée.
C’est ça.
Katia : Et petite question. L’école alternative que vous accueillez sur site. Ce n’est pas toi qui en est le responsable, le gestionnaire. Comment cohabitez-vous ? Y a-t-il des projets croisés avec l’école et les résidentes ?
Gabi : Le début de cette cohabitation heureuse, c’est d’abord une idée qui m’a habité très longtemps, qui continue à m’habiter. C’était une phrase de Victor Hugo qui avait dit un jour « Quand on ouvre une école, on ferme une prison ». Donc on voit l’idée qu’il y a là derrière. L’éducation est le meilleur barrage contre la délinquance, etc. Alors évidemment, pour qui connaît un petit peu ces questions liées à la délinquance, c’est que ce n’est pas aussi simple que ça. Il y a des gens qui ont une grande éducation qui malgré tout sont délinquants, voire criminels. Et autre idée aussi, quand on ouvre une école, on ferme une prison. On a ouvert cette école ici, ce n’est pas pour autant qu’on a fermé une prison. Malheureusement, on s’inscrit dans une logique de création de nouvelles prisons en France. Bref. Donc on est parti de cette phrase-là. Et puis, d’un projet porté par deux dames qui pendant deux ans ont essayé d’avoir des lieux pour monter leur école et ce n’était pas possible parce qu’ici le prix de l’immobilier est tel qu’elles ne sont pas arrivées à trouver ce qu’elles désiraient. Et donc nous, on avait des lieux non utilisés. Ici, c’était des garages, tout ouvert, grâce à la solidarité de l’entreprise Goity. Je les cite parce qu’ils sont grandement responsables à l’ouverture de cette école. On a pu avoir une école créée en moins de trois mois, des locaux neufs, qui a permis à cette école d’ouvrir ses portes et permettre aujourd’hui, ils sont plus d’une quarantaine d’enfants de 3 à 11 ans.
Katia : Avec une liste d’attente de plus de 150 élèves. C’est ce que m’a dit Maïlys. Il y a quelque chose qui est en train de bouger.
Gabi : Oui, il y a une volonté manifeste de plus en plus de gens d’offrir une autre éducation, d’avoir un autre rapport entre les sachants et les enfants, une autre vision de ce qu’est le respect de chaque individualité, de chaque enfant, de partir à partir de ce qu’il est et ne pas considérer un enfant comme un élément d’un troupeau. Et… renoncer à l’idée que les enfants, peu à peu, se transforment en des futurs consommateurs ou en des futurs soldats. Tout ça se joue à l’école, et l’école OSE, et d’autres écoles alternatives, mais aussi dans l’éducation nationale. Je sais, pour en avoir rencontré plus d’un, il y a dans l’éducation nationale aussi des professeurs qui sont, au quotidien, volontaires pour éduquer dans le respect de la personne, éduquer dans une vision…
Katia : Une amie institutrice travaille dans une école privée. Elle a une certaine de liberté d’action. Elle est très connectée à la nature, et donc connecte les enfants par le biais de la nature et tout un tas d’expériences.
Gabi : Voilà, c’est pour ça qu’il ne faut désespérer d’aucun système…
Katia : Ni les opposer.
Gabi : Voilà, ni les opposer, bien évidemment. En tout cas, l’école OSE a le mérite d’exister. Je n’ai jamais vu un enfant pleurer ici. Soyons clairs. Il y a trois ans que c’est ouvert, je n’ai jamais vu un enfant arriver en traînant des pieds le matin à l’école.
Katia : Pas de phobie scolaire ?
Gabi : Il y a des phobiques scolaires qui viennent ici parce qu’ils ont été victimes de phobies dans des écoles publiques, en particulier. Et pour être clair, pour être sur le sujet, on a même accueilli un enfant de 9 ans, phobique, qui faisait pipi tous les soirs dans son lit. Et du jour au lendemain, le jour de sa venue ici, il arrêtait de faire pipi, à 9 ans. On ne va pas créer d’un exemple une généralité, mais c’est aussi ça, OSE. Donc, pour ce qui est de cette cohabitation que je dis « heureuse ». Par exemple, on a des événements, des fêtes dans l’année scolaire qui sont partagées. Il y a des résidentes qui viennent aux fêtes de fin d’année ou aux fêtes de l’hiver, aux fêtes de l’été. On fait aussi des ventes deux fois l’année. On fait un marché, des artisans, etc. entre l’école et notre structure. Les deux personnes qui nettoient les écoles au titre du salariat aussi sont deux résidentes de chez nous. Tous les soirs, elles nettoient l’école. Les parents achètent aussi le jeudi lorsqu’on fait la vente sur site, la vente de légumes. Un certain nombre de familles achètent chez nous. Bref, il y a à l’évidence des liens qui, avec le temps, se créent, se renforcent. Et nous sommes aussi là en train de casser cette image de détenu qui n’inspire que le rejet avec lequel il est difficile de mettre en contact des gens et a fortiori des enfants. Nous, on vit sereinement, j’allais presque dire dans la joie, cette cohabitation. Et nous démontrons là aussi au quotidien qu’il ne sert à rien de stigmatiser, qu’on ne peut pas résumer une personne à un acte posé aussi horrible soit-il. Chaque personne qu’on accueille ici sont des gens en devenir. Elles ont fait ce qu’elles ont fait. Elles ont été jugées pour ça en notre nom, comme je le disais précédemment. Mais ce qui m’intéresse, ce qui nous intéresse, c’est ce qu’elles vont devenir demain, après-demain.
Le Nouveau Monde selon Gabi Mouesca
Katia : C’est ça pour toi le nouveau monde, Gaby ?
Gabi : Le nouveau monde, je ne sais pas, chaque jour construit le nouveau monde. Aujourd’hui, il y a 10 ans, il y a 50 ans en arrière, il y a toujours des gens qui ont travaillé pour demain. Aujourd’hui, au travers du prisme de mon expérience de vie, de mes cheveux blancs, de ce que j’ai appris de l’existence, je sais effectivement qu’on est en devoir d’inventer autre chose, à tout domaine, et j’ai la chance et le privilège de travailler au sein d’Emmaüs, qui est un mouvement de lutte. Je me retrouve par rapport à ma ligne de vie, qui a été celle d’un militant engagé, mais un mouvement de lutte basé sur la lutte contre la pauvreté, basé sur la notion de fraternité, et depuis l’âge de 15 ans, je m’inscris dans cette logique-là, et je suis vraiment un homme heureux. Vous savez, on me dit, mais tu aurais eu la vie si tu n’avais pas eu la violence, tu as posé des bombes, tu as attaqué des banques, et aujourd’hui, tu es d’abord pleinement engagé en processus de paix au Pays Basque, et engagé dans une action qui a des années-lumière, des logiques de violence, etc. J’aime à dire que dans mes jeunes années, j’ai été, comme beaucoup de jeunes de ma génération, dans un contexte qui nous a amenés à prendre les armes, pas simplement au Pays Basque, dans beaucoup de régions d’Europe et dans le monde, c’était ce temps-là, les mouvements de libération, mai 68 était passé par là, il y avait des références historiques, Cuba, l’Algérie, etc. Bref, il y avait un terreau qui était propre à s’engager, et s’engager, y compris dans la lutte armée. Aujourd’hui, les choses ont considérablement évolué, l’utilisation de la violence telle que nous l’avons connue au Pays Basque serait absurde.
Katia : Oui, ça n’aurait plus de sens aujourd’hui.
Gabi : Et donc, on continue à utiliser notre énergie de vie, notre énergie en vue de la liberté, autrement. Et donc, je suis droit dans mes bottes, comme aurait dit un autre. Et puis, j’aime à dire que, quand je regarde un petit peu dans mon passé de militant d’organisation armée, je fais un lien avec l’image de l’oiseau. Il me semble que certes, j’étais acteur, parmi d’autres, d’un mouvement populaire, un mouvement de résistance, mais il me semblait que j’étais un oiseau avec les ailes bloquées. Je faisais une action limitée. Aujourd’hui, il me semble que j’ai les ailes qui se sont libérées, pleinement libérées.
Katia : Mais j’ai envie de dire, même si tu as encore l’impression de lutter contre, moi j’ai l’impression que tu œuvres pleinement pour.
Gabi : Ah oui.
Katia : Tu vois, peut-être que là, pour le coup, tu peux vraiment te déployer, parce que tout est possible.
Gabi : Oui, oui, c’est ça.
Katia : Et tu rends tout possible.
Gabi : Voilà, c’est ça. Et puis, il y a aussi la parole qui est importante. On faisait référence à l’abbé Pierre, comme il a su par la parole réveiller les consciences. Quand je suis sorti de prison, il y a eu, quelques semaines après, c’était la rubrique portrait de Libération, du journal Libération, où ils prenaient des gens et faisaient le portrait de leur parcours. Et ils avaient choisi de me choisir comme personne pour le portrait. C’était d’ailleurs Dominique Simonot, qui est aujourd’hui contrôleur général des privations de liberté, mais qui était la journaliste justice de l’IV, ce temps-là, qui a fait mon portrait. Et en off, je lui avais dit une chose, je lui avais dit : « ma parole aujourd’hui a plus de puissance que 50 kilos d’explosifs ». Évidemment, comme souvent on dit, le off devient parole publique, et elle a fini son article avec cette phrase que je lui avais soumise dans l’oreille. Et je maintiens que la parole, tout part de la parole, je ne vais pas faire référence à la première phrase de la Bible, mais on est là-dedans. La parole, c’est-à-dire cet outil au service de la prise de conscience et de l’action, elle est fondamentale. C’est pour ça qu’ici, quand je faisais référence à la presse précédemment, on est un lieu qui est dans le quotidien, j’allais dire dans l’humilité du quotidien, avec des personnes fragiles, en difficulté, mais au-delà de ce quotidien, il y a la parole, le témoignage porté qui est aussi dans notre action. On a fait des podcasts, entre autres, je me rappelle, il y a quelques mois, dans France Culture, deux podcasts, avec des résidentes qui se sont exprimées ici. Et quand c’est passé les pieds sur terre à 13h30, et on a eu depuis plusieurs messages, par internet, de gens, y compris une personne des États-Unis, qui avaient trouvé merveilleux les témoignages des résidentes qui s’étaient exprimées, y compris pour parler de choses extrêmement dures, extrêmement violentes. J’ai la chance et le privilège de vivre, et ma famille avec, Maïlys, Luma et Léa, parce que nous vivons sur site, de vivre avec des gens qui ont des histoires de vie, mais vraiment frappées du saut de la violence, toutes. Mais aussi des récits de vie, qui nous ramènent à une simple humanité qui est extrêmement riche pour nous. Mes enfants sont jeunes, elles ont 7 et 9 ans, un jour viendra où j’espère, elles pourront dire ce n’était pas toujours rose, parce que parfois ici on entend des hurlements, parce que des fois on voit des gens pleurer, parce que des fois on voit des gens qui, entre guillemets, qui pètent les plombs. Mais j’espère que mes enfants un jour témoigneront du fait que ça a été pour elles une expérience aussi de vie, extrêmement formateur. Je vis avec cette espérance-là.
Katia : On arrive à la fin. Est-ce qu’il y a une question que je ne t’ai pas posée, que tu aurais aimé que je te pose ?
Gabi : Il y a forcément… On n’a pas tout balayé.
Katia : J’ai encore tellement de questions, mais là il va falloir qu’on termine.
Gabi : Quand j’ai créé ce lieu-là, j’avais deux espérances, deux rêves. J’en ai déjà accompli un. Il était d’intégrer dans mon équipe une ancienne résidente. Et effectivement, on a eu une ancienne résidente ici qui a fait parfaitement son travail. Elle nous a quittés il y a quelques mois parce qu’elle voulait passer à autre chose. Je suis parvenu à faire ça et j’en suis extrêmement heureux parce que ça a été un apport considérable de la trajectoire et l’apport au quotidien au travail de cette femme-là. Et puis, deuxième chose, je reçois beaucoup de gens ici, beaucoup de jeunes en particulier, qui veulent voir comment ça marche, comment on monte un lieu comme ça. Et je sais qu’un jour, une de ces personnes à qui j’ai consacré des heures parfois, toquera à ma porte ou me téléphonera en me disant : « Gabi, je crée à Lille, Narbonne, je ne sais où, un lieu qui va accueillir ou des détenus, ou des personnes en difficulté, ou des migrants, etc. » Je sais qu’un jour viendra où il y a une personne comme ça. D’ailleurs, pour ne rien vous cacher, je suis en lien avec deux personnes qui sont en train de créer actuellement des lieux de ce type-là. C’est-à-dire que nous sommes à la ferme, un terreau, un terreau sur lequel…
Katia : Oui, tu sèmes des graines.
Gabi : Voilà, on en est là. Et je pense que chacun à sa façon, toi aussi, en portant la parole, en permettant que les bonnes pratiques se popularisent, nous sommes en train de dessiner un autre monde. Et ne pas se réfléchir.
Katia : L’idée, c’est ça aussi. Effectivement, de découvrir le dispositif que tu proposes et de réfléchir aussi sur ce qui existe aujourd’hui. Est-ce que finalement, on ne pourrait pas faire autrement et oser faire autrement. Finalement, avec le retour d’expérience qu’on a aujourd’hui, ça peut valoir le coup peut-être d’imaginer autre chose.
Gabi : Je rebondis malicieusement. Tu as dit qu’il faut oser. Oser ? Ça fait lien avec le nom de l’école.
Katia : Il faut oser.
Gabi : Être maitre de son destin. Ne pas être soumis aux règles qui s’imposent. Oser le pas de côté. Ici, au quotidien, nous osons le pas de côté. C’est-à-dire, c’est dans l’ADN d’Emmaüs. Mais ça peut et ça devrait l’être pour chaque être humain. Voilà. Oser le pas de côté.
Le portrait chinois de Gabi Mouesca
Katia : Je termine avec une autre question. C’est un jeu que tu connais peut-être, le portrait chinois. Peut-être tu l’as fait petit ou avec tes filles. Gabi, si tu étais un plat, lequel serais-tu ?
Gabi : Alors, excuse-moi de cette référence un peu guerrière. Je dirais un plat de riz. Pourquoi un plat de riz ? Parce que les Vietnamiens, lorsqu’ils étaient en conflit avec les États-Unis, les soldats vietnamiens, les résistants, avaient un plat de riz. Et eux, tout le monde de tout petit peuple ont gagné contre la plus grosse armée en mangeant un petit plat de riz au quotidien. Et donc, voilà, le plat de riz incarne pour moi ce plat, j’allais dire, de résistant. Je suis très attaché encore et toujours et sûrement jusqu’à mon dernier souffle à la notion de résistance. Il y a mille et une façons de dire non aujourd’hui. Et quand on parle parfois de démocratie, de république, j’aime souligner toujours qu’on est véritablement dans une démocratie quand on est en capacité de pouvoir dire non. Non. Ça, je ne l’accepte pas.
Katia : Si tu étais un livre, tu serais ?
Gabi : Un dictionnaire. Ah. Les moments les plus difficiles que j’ai vécu, c’était quand on m’a plongé au mitard qui est la cellule de punition dans les prisons. Vous n’avez rien.
Katia : D’isolement ?
Gabi : D’isolement extrême. Vous êtes seul. J’étais soumis dans le temps, la plus longue période, c’est-à-dire 45 jours seul, sans voir personne. Sans sortir.
Katia : De ta cellule ?
Gabi : Je pouvais sortir dans une cage pendant une heure par jour. Et ce temps-là, on a droit à quelques livres. Le livre qui, alors souvent, c’était des livres auxquels il manquait des pages parce que les gens dans ce lieu-là n’ont souvent pas même de papier toilette et on devait, pour faire nos besoins, arracher les livres, les feuilles des livres. Et j’ai le souvenir d’avoir eu un petit Robert un jour comme livre. Et ça a été extrêmement enrichissant pour moi et je n’ai pas vu le temps passer et Dieu sait si le temps est long, il s’étire dramatiquement dans ce lieu mortifère. Et donc, j’ai un attachement particulier au dictionnaire tout simplement.
Katia : Merci pour ce partage. Si tu étais un dicton ? Alors tu nous as donné déjà quelques citations, mais est-ce que tu as un autre dicton, une devise, un proverbe qui te guide au quotidien ?
Gabi : Je n’ai pas de dicton à proprement dit sauf que je sais que parfois en quelques mots on peut dire tout. On lit souvent une petite citation qu’un long discours parfois. Et en prison, j’avais, c’était à la maison centrale de Moulin, qui est une centrale des plus dures de France, on avait un lieu collectif dans lequel on pouvait aller. Là, on était beaucoup de longue peine, de perpétuité. Et on avait un tableau qui était toujours vide dans cette salle qu’on appelle le gourbi. C’est un lieu collectif dans une maison centrale. Et un tableau était vide. Et puis un jour, j’ai mis une citation toute simple. « As-tu pensé aujourd’hui ? » Et cette phrase pendant plusieurs semaines, mais on n’a pas arrêté à en parler. Et parfois, c’était un motif de, pas de dispute, mais on n’était pas loin de la dispute. « As-tu pensé aujourd’hui ? » Et je pense que cette phrase, je peux te l’offrir aujourd’hui aussi. Parce que, que veut dire penser ? Quelles sont les limites que l’on se donne à la pensée ? Parce que de la pensée, et on revient à la pensée, on revient à l’histoire aussi, il y a un lien avec le dictionnaire, avec les mots. Et donc, je t’offre « As-tu pensé aujourd’hui ? »
Katia : J’accueille et je prends Gabi. Si tu étais un film ?
Gabi : Alors, Maïlys, c’est la première à le déplorer et peut-être mes enfants, je ne suis absolument pas cinéphile. Cependant, j’étais très marqué il y a quelques années par la sortie d’un film qui s’appelait « Un prophète », qui était un film relatif dont l’action se déroulait dans une maison centrale. Il y avait des prisonniers. Alors, c’était beaucoup de violence, etc., etc. Mais j’ai trouvé le film tellement juste, tellement réaliste par rapport au réel, ce qu’on appelle l’existence des maisons centrales, que j’étais marqué par ce film qui, ce temps-là, était montré d’ailleurs, même comme un film culte sur la question de l’humanité.
Katia : Et si tu étais un super-héros ?
Gabi : Ça serait marque d’immodestie de se référer à du super-héros. Je l’ai écrit déjà et je le dis souvent quand on me dit « Quelles sont tes références dans l’histoire de l’humanité ? » J’avais écrit avec le sourire qui va avec, c’était « Le Christ et Che Guevara ». Alors, je dis, leur point commun, c’est évidemment que les deux sont présentés comme des barbus, mais plaisanteries mais à part. J’ai été aussi à Cuba il y a quelques années, du temps où était encore le castrisme, était encore incarné par l’existence de Fidel Castro. Et je me rappelle du jour où je suis allé au musée de la Révolution à la Havane et je suis resté pratiquement toute une matinée dans une salle, elle devait faire 400 mètres carrés, où il y avait un vieux téléviseur où il passait en boue les discours de Che Guevara et de Fidel Castro. Rien que de l’évoquer, j’en ai les poils des bras qui se lèvent, tellement j’étais là aussi impressionné par la parole, la puissance de la parole. Même les silences étaient puissants. C’est pour ça d’ailleurs que certains de ses discours duraient des heures et des heures, parce qu’entre deux phrases, il mettait parfois 10, 15, 30 secondes de silence. Mais c’était un silence qui poussait un petit peu comme la vache qui a mangé de l’herbe et qui a tiré dans la bouche, elle a ruminé.
Katia : Mais dans les silences, beaucoup de choses peuvent se dire.
Gabi : Et donc, je ne vois pas pourquoi, j’ai oublié totalement l’origine de ta question.
Katia : Si tu étais un super héros ?
Gabi : Un super héros. Je parlais du Christ et du Che Guevara. Du Che Guevara. Je mettrais évidemment sur ce podium aussi l’Abbé Pierre, forcément, parce que c’est un homme qui pour moi est une référence. Mais j’ai eu la chance et le privilège de travailler à Emmaüs, mais aussi, comme je l’ai dit précédemment, à la Croix-Rouge Française. Et à la Croix-Rouge Française, le fondateur était Henri Dunant, un Suisse. Henri Dunant dont le père était pasteur protestant et qui amenait au port de Toulon les Suisses qui devaient aller aussi au bagne. Et le petit Henri Dunant, lorsqu’il avait neuf ans, avait accompagné un jour son papa jusqu’au port de Toulon et avait dit, un jour, je ferai quelque chose et effectivement à 18 ans il lisait la Bible dans les prisons suisses et puis après il a créé la Croix-Rouge qui a eu aussi une action prégnante en milieu carcéral. Donc, j’ai toujours eu la chance de travailler dans des instances où le fondateur a eu, un moment ou l’autre, la pensée autour de la prison.
Katia : Merci Gabi de ta participation.
Gabi : Merci à toi d’être venue jusqu’ici. Merci à toi d’être porteur du témoignage de notre existence, de notre action et à travers notre action de l’existence de femmes qui sont non vues, non reconnues, parfois rejetées par notre société et merci donc à toi de les remettre au cœur de notre humanité.
Katia : Je ne doute pas qu’on aura des réactions. Je suis très touchée par tout ce que tu nous as partagé ce matin avec mille questions encore, mais ce sera l’occasion de revenir. Merci beaucoup pour votre écoute. J’espère que le parcours de Gabi et l’histoire de la ferme de Baudonne vous aura inspiré. Alors, n’hésitez pas à les contacter directement sur les réseaux. Alors, peut-être on pourra donner les coordonnées de la ferme.
Gabi : Alors, c’est la Ferme Emmaüs Baudonne. Nous sommes aux 323 routes Abbé Pierre et pour le reste, nous avons un site dans lequel vous aurez les contacts téléphone, e-mail, etc.
Katia : À bientôt.
Gabi : À bientôt.
Katia : J’espère que vous aurez pris plaisir à nous écouter. Si vous avez aimé cet épisode et que vous souhaitez continuer à découvrir les histoires de ces acteurs du nouveau monde, n’hésitez pas à vous abonner. Et si vous voulez être tenu informé de la sortie du prochain épisode, abonnez-vous à mon profil sur LinkedIn. Merci d’avoir pris le temps de passer ce moment avec nous. Je vous dis à très vite pour un nouveau témoignage d’une belle âme.
Retranscription réalisée à l’aide d’AutoScript.